Poubelle la vie : un bout d’déchet?

La filière « déchets » : la voie royale pour accéder à la puissance.

L’AMG – l’avenir minimum garanti – Quand on se lance dans cette filière « déchets », c’est l’élection assurée. Le fauteuil obtenu est à l’échelle du secteur couvert. À l’échelon de la commune, si vous militez contre les déchets qui polluent les paysages et les terres, si vous vous démenez pour les déchets récupérables, « recyclables », un siège au conseil municipal vous attend avec impatience. Si vous voyez plus haut, plus grand, si vous interpellez votre conseiller général ou régional sur le gâchis des gaspis, sur la honte des décharges sauvages, sur la nécessité de faire quelque chose, très vite vous serez obligé de vous asseoir à leur dextre au sein de leurs vénérables assemblées. Vous serez alors un nouveau Dieu, ami obligé des Écologistes qui sont si vite indignés – avec raison – par les excès de notre civilisation dite « de consommation ». Vous connaîtrez alors la puissance de ceux qui disposent de toute une flotte de véhicules en tous genres et dont les crédits arrivent automatiquement par la voie des taxes.
Seulement, voilà : ces excès de consommation et les gaspis qui s’en suivent ne concernent que les privilégiés, ceux qui n’ont jamais à compter, ceux qui savent jeter sans angoisse parce qu’ils peuvent aussitôt racheter plus et mieux.Voilà pourquoi, par ces temps de vie dure et chère, on privilégie désormais systématiquement le versant « récup ».
Fin XIXème siècle, des décrets organisent déjà le tri des déchets : « …trois boîtes sont obligatoires, une pour les matières putrescibles, une pour les papiers et les chiffons et une dernière pour le verre, la faïence et les coquilles d’huîtres. »
(Wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Eug%C3%A8ne_Poubelle#cite_note-Mairie_de_Caen-0). On fait à peine mieux depuis.)

On n’a jamais tant valorisé la fouille des poubelles et la récupération des « trésors » qu’on y trouve.
Vous avez sans doute vous aussi été indignés par cette émission où on voyait un petit groupe d' »étudiants » (?) bien organisés, qui « faisaient les poubelles » avec méthode en essayant de ne pas être précédés par les éboueurs. Ils tombaient effectivement sur des filons, des mines de denrées alimentaires encore sous leur emballage qui n’avaient pour seul défaut que d’être à la veille de leur date limite de péremption – leur « DLUO » (Date Limite d’Utilisation Optimale). Et on les voyait accommoder leurs trouvailles, cuisiner et se régaler. Belle démo pour les empotés qui ne savent pas se bouger, pas même soulever le couvercle des poubelles d’Ali Baba.
Ah! cette sacro-sainte date limite de fraîcheur, bien faite pour angoisser et culpabiliser, qu’il faut chercher quelque part sur une des six faces, quelle belle invention! Prix Nobel de Gaspi ! Au moins un prix au Concours Lépine ! Sans compter que tous ces produits si bien protégés contre les altérations, bactéries et moisissures, sont gorgés d’antioxydants, de conservateurs. Avez-vous remarqué, comble de précaution, que même le vinaigre par exemple, fameux conservateur s’il en est – les cornichons d’antan en savaient quelque chose – est lui-même protégé par un conservateur (E211 pour celui que j’ai sous les yeux). Des gardiens de gardiens, et les vaches seront bien [mieux] gardées…
Autre astuce qui mériterait bien un accessit à la distribution solennelle des prix Gaspi : Les pubs imprimées sur l’envers des boîtes d’allumettes : combien d’allumettes ainsi consommées sans se consumer !…

La poubelle propre, la poubelle de bureau, c’est la corbeille. Rien de sale, rien de biodégradable ne vient ternir ses flancs souvent décorés, transparents ou ajourés, au travers desquels on devine des rejets nobles, des rejets d’imprimante, bien au-dessus de l’organique, des brouillons, des idées, des bouts d’écrits, toutes choses transcendées par le symbolisme de l’écrit.

La « corbeille » de la bourse est devenue justement une poubelle où on a jeté sans scrupules et en toute conscience tous ces « produits toxiques » qui empoisonnent les banques et dégradent la santé des économies.

La gestion des surplus alimentaires : la surpuissance politique.
À  qui va-t-on destiner ces mannes venues d’en haut – du Ciel croirait-on, en fait de ces états riches, promus au rang d’états-providence ? De préférence bien sûr aux plus méritants des états nécessiteux qui feront preuve d’un minimum de bonne volonté et d’humilité. Voyez comme le FMI exige , en compensation de ses largesses, des sacrifices de dépenses dites inutiles par ces temps de vaches maigres, dans les secteurs jugés « de luxe » pour des pauvres, que sont la culture, l’éducation, les services…

Ces détresses alimentaires génèrent de terribles dépendances, et bien sûr d’horribles catastrophes sanitaires : Et les formidables ONG malgré leur dévouement sans borne ne parviennent jamais à combler ces effrayants tonneaux des Danaïdes que sont les insondables faims et famines des populations qui fuient les zones de combats, ou qui sont tout bonnement « déplacées » vers des ailleurs insensés qui sont d’immenses camps où errent des milliers de malchanceux que le doigt d’un destin politico-guerrier a désignés comme sacrifiables.

Eugène Poubelle, préfet de la 3ème République, qui fut préfet de Charente au temps de la Commune – 1871 – serait sûrement, de nos jours, ministre du Quart-Monde, au moins secrétaire d’état à la survie alimentaire.

C’est que nous sommes quasiment tous menacés avec ce renchérissement scandaleux, parce que voulu, organisé, précipité, des prix des énergies, des matières premières, des habitations, des produits de toute première nécessité (blé, sucre, fruits, légumes…). Nous sommes hélas parvenus, je le crains, à un point de non retour : ces excès engendrent des révoltes, et les plus puissants tremblent, et tombent, et tomberont les uns après les autres.
Sans compter cet autre point de non retour – climatique – plus lié au premier qu’il n’y paraît, et qui voit nos vignes de Saintonge devenir folles (c’est vrai que nous avons déjà la « folle blanche »…) et produire de nouvelles pousses, fleurs et papillons se multiplier comme pour fêter cet armistice de la Grande Guerre qui, dit-on, serait en novembre…
Sans doute prépare-t-on une nouvelle grande guerre – économique. Cette fois ce sera assurément la der des der. Puisque même les civils de tous pays et de toutes ethnies en seront – en sont déjà – les victimes de plus en plus nombreuses.

Stupeurs et tremblement

« Stupeur et tremblements« , en titre d’un roman d’Amélie Nothomb. Rien à voir avec les catastrophes naturelles que subissent actuellement les Japonais. Jusqu’en 1947, en présence de l’Empereur, considéré comme un dieu vivant, le protocole imposait qu’on lui témoigne sa révérence « avec stupeur et tremblements ».

Stupeurs et tremblement, en titre de cet article. Vous remarquez comme une migration du s, qui est passé d’un terme à l’autre :
Un seul tremblement (de terre), même s’il y a comme toujours une multitude de répliques – plus de 200 nous dit-on, ce lundi matin;
– et des stupeurs multiples.
Ces changements me semblent mieux rendre compte des réalités :

Une stupeur immédiate, évidente, des victimes, des témoins, qui assistent, impuissants, sidérés, pétrifiés, stupéfaits et comme stupides, au déchaînement des forces de puissances colossales. Cette puissance paralysante qu’ils ne peuvent ni comprendre, ni admettre, et qui fait perdre jusqu’aux réflexes salvateurs.
Cette stupeur, les malheureux Japonais vont la subir, pour beaucoup à trois reprises, s’ils survivent aux premières catastrophes :

– au moment des terribles premières et interminables secousses du tremblement de terre initial pour un très grand nombre d’entre eux;

– à la vue de la vague monstrueuse – plus de 20 mètres – qui, dans le Nord-Est, les a emportés, dans la rue, dans leur voiture, dans leur maison (sur son toit, pendant 48 heures pour un des rares rescapés de ce chamboulement…);

– à la vue et à l’annonce des très probables explosions puis fusions des réacteurs des centrales nucléaires submergées.

Une autre stupeur, qui a précédé, autrement plus grave et dangereuse pour les futures victimes, une stupeur intellectuelle, qui a semblé frapper d’inertie stupide, d’indécision, de perte de toute clairvoyance et du moindre bon sens, des décideurs qui savent qu’ils seront, quoi qu’il arrive, toujours bien à l’abri,
Cette stupeur face aux priorités dans les choix énergétiques les a, depuis bien longtemps, comme figés, bloqués sur le merveilleux « tout nucléaire » (99% de la recherche pour le seul atome dans le domaine énergétique) qui allait assurer, promis, juré, notre indépendance énergétique et permettre toutes les boulimies consommatrices.
Sauf que nous devons acheter notre uranium au Niger et avoir des amabilités compromettantes.
Sauf aussi que notre technologie est celle des États-Unis…

Au total nous sommes nucléodépendants, et aucun sevrage possible, car on n’a – volontairement – préparé aucune alternative énergétique. Et on nous ricane qu’il reste, si on préfère, les bougies du Père-Noël pour l’éclairage, et, pour le chauffage, peut-être les allumettes d’une petite fille D’Andersen…

Les macaques baigneurs ont dû encore plus trembler.

Eux qui, déjà, tremblent de froid dans leurs îles si septentrionales, et qui, dès -5° se réfugient dans les sources d’eaux chaudes, eux qu’on voit si transis, comme penauds et résignés, la tête dans les épaules, comment ont-ils vécu ces drames successifs?
Les ont-ils ressentis depuis leurs forêts du Nord-Ouest du Japon?
Oui sans doute, avec leurs radars ultrasensibles, et à coup sûr ceux qui sont apprivoisés et vivent, comme leurs maîtres, dans tout le Japon. Ont-ils une « science » des séquences de secousses. Savent-ils reconnaître à leur rythme, à leur accélération l’imminence d’un séisme dangereux? Savent-ils alors témoigner de leur angoisse soudaine et ainsi alerter leurs partenaires humains d’infortune?
Macaques japonais

J’en suis persuadé, mais on ne sait pas assez les observer, eux qui pourtant symbolisent la Sagesse.
Revoyez-les, ici, au bas de ce long texte.

« Le macaque japonais est le seul singe qui vive en liberté au Japon. Il existe un bas relief ancien dans le temple de Nikko qui représente trois de ces singes, connus du monde entier.
Le premier se bouche les oreilles pour ne rien entendre, le second cache sa bouche pour ne rien dire, le troisième se voile les yeux pour ne rien voir. Ils sont devenus le symbole d’une sagesse à l’orientale qui consisterait à ne pas se mêler des affaires des autres. » (http://www.pratique.fr/macaque-hommes.html) »

L’un aveugle, l’autre sourd, je les présentais, dans ce précédent article, comme les symboles du citoyen, idéal par sa docilité née d’une ignorance confiante et naïve.

Et je concluais ainsi :

« Cela pourrait être une allégorie du bon citoyen idéal, bien anesthésié, bien insensible, une représentation de l’autisme individuel refuge pour survivre dans une société devenue folle, une société de sourds-muets, aveugles de surcroît. »

On peut faire une autre interprétation de ce mutisme, bien éloignée de la sagesse bouddhiste, plus proche de ce cynisme de ceux qui savent et pourtant se taisent.

Les pauvres et braves citoyens japonais sont certes bien informés, en temps réel, mais de ce qui se passe. Tout au plus peuvent-ils se réjouir de voir ce qui se passe, cela prouve qu’ils ont survécu, qu’ils ont eu une chance inouïe, que cette machine à broyer, à noyer, à irradier aurait pu les atteindre, eux, les gagnants – provisoires de ce loto de la mort.
Et il faut de pareils drames pour qu’on sache désormais qu’on aurait pu savoir ce qui pourrait se passer. Bien trop tard pour les victimes. On ne leur avait pas dit ce qui allait se passer avec cette bombe à retardement, cette mine à triple détente – séisme, tsunami, accident nucléaire, ce merveilleux nucléaire qui impose tant de dépenses décrétées absolument prioritaires. Les sociétés d’assurances, elles, ont gardé leurs vieux réflexes et sortent leurs calculettes et nous disent : « Déjà 35 milliards de dollars de dégâts !… »
Et on a le sentiment que certains ne pleurent pas, que tout cela, tant de malheur, va être bon pour les affaires. Il va falloir rebâtir, réinvestir, comme après une bonne guerre souvent souhaitée en période de crise – et on l’a d’ailleurs bien eue, cette satanée bonne guerre, après la terrible crise économique de 29. Nous y sommes à nouveau, en pleine crise économique et financière, et le Japon en a d’ailleurs déjà bien souffert depuis quelques années.

N’importe quel statisticien aurait pu prouver que le risque zéro est un leurre en matière  de nucléaire, et que, fatalement, sur plus de 400 centrales dans le monde, plus ou moins expérimentales, déjà vieillissantes pour beaucoup, certaines allaient avoir des ennuis de santé…

Rappelez-vous « le salaire de la peur » : toutes les précautions étaient prises, on n’avait pas pensé que le second camion qui avait choisi de rouler plus vite sur la « tôle ondulée » de la piste pour ne pas faire vibrer et sauter la si susceptible nitroglycérine, allait rattraper l’autre qui lui avait le choix prudent de la lenteur. Ce fut le plus terrible suspense du film. Nous étions chacun de nous en pensée à bord d’un des camions. Nous avons été sauvés avec la fin de la portion ondulée : la tortue a pu alors bondir et échapper au lièvre qui allait la détruire.

En ce moment, nous vivons un épouvantable remake : Le salaire de l’atome – autre titre plus moderne que certains préfèrent : « Les dividendes du nucléaire »
C’est une production internationale avec un budget colossal et un casting prestigieux, dont nous connaissons de longue date les vedettes. Elles ont sévi déjà dans bien des nanars où les scénarios ne lésinent pas sur les suspenses et sur les peurs. Les bouts d’essai nous sont généreusement diffusés sur le Net.

Et nous pleurons avec les malheureux Japonais qu’accablent maintenant ces enchaînements de catastrophes gigognes, ces emboîtements inexorables de drames, ces empilements de malheurs.
« Maintenant », car la moindre once de bon sens nous fait sentir que c’est aussi sur notre avenir menacé que nous pleurons, nous qui pour l’instant sommes si éloignés géographiquement de ces malheurs de fin du monde.

Ecoutez-les, ces chantres des énergies fortes:

Le curatif  spectaculaire s’impose dans l’urgence.
« Nous avons un besoin urgent, impérieux du nucléaire, cette énergie abondante que l’on dit inépuisable.
« Notre économie est malade. Nous avons un remède de cheval : le nucléaire, vous m’en direz des nouvelles. »

Seulement voilà, c’est un cheval de Troie, qui cache dans les flancs rebondis de ses centrales, de terribles virus, d’abominables calamités potentielles.
Et ce cheval, comme un pur-sang rétif, est impossible à maîtriser.

« Il ne faut pas avoir peur du nucléaire, c’est si propre, si inoffensif. »

On peut même chanter en chœur, comme des petits cochons que nous sommes (ces p’tits cochons d’payants, qu’on nous prend pour…) :

« Qui craint le grand méchant ion?
« C’est p’t-ête vous, pas Besson ».
« Qui craint le grand méchant ion?
« Toujours nous, pas Besson ».

« Le préventif , lui, n’a rien de spectaculaire. On ne peut faire carrière politique, accéder au pouvoir avec des propositions d’énergies douces. »
« L’électeur tremblant vote mieux que l’électeur tranquille… Ne le dites pas trop fort… »

Mais ils n’auront plus nos voix, car à force de tremblements, nos mains frappées de stupeur vont s’égarer.
Vous comme moi sommes aux aguets de ces sinistres nouvelles dont on nous inonde. Nous voyons bien que désormais, il y a une logique inexorable, scientifique – c’est de la physique nucléaire – des enchaînements de catastrophes.
Le malheur bouleverse, pousse et gagne. D’abord poisson chat irrité, puis tsunami impassible, il va bientôt tout recouvrir, nuage indifférent.
N’oublions surtout pas les pauvres et braves Japonais, si dignes face à tant  d’adversités cumulées. Ce sont eux – pour cette fois – les figurants de la répétition de cette farce minable du nucléaire innocent qui nous promet encore bien d’autres tragédies…

… Si les vigilances enfin réveillées des citoyens du monde entier n’imposent pas enfin une salutaire prise de conscience et un débat participatif sur le thème de notre avenir énergétique.

Passeur : passion plus que métier

Passeur, passion: une idée de mouvement

Le passeur « transporte », « exporte » ses savoirs, ses compétences
Il en est le détenteur : ses savoirs, sa culture, ses sensibilités, ses facultés d’appréciation, tout cela est en lui.
Il faut vouloir transmettre, mais cette seule volonté, l’intention ne suffisent pas.

La passion doit « transporter », enthousiasmer, le [bon] passeur
Le passeur (de métier, de savoir-faire, de culture) ne peut pas rester froid, simple technicien.
C’est toujours un peu de lui-même, le meilleur qu’il essaie de transmettre, par son métier, par son choix d’élèves, de « disciples », qu’il estime dignes, capables de mettre en œuvre les compétences transmises, de faire apprécier, pour les faire siennes ensuite les passions, les « valeurs » du maître.

Cette transmission  implique donc une « mobilisation générale »  : mouvement de l’esprit, mais aussi mouvement du cœur. Tout sauf l’indifférence, la froideur.

Car ces échanges génèrent une attraction, un attachement réciproques :
L’élève, le jeune, l’apprenti, aiment, estiment ce médiateur qui les initie.

Le médiateur aime le disciple qui réussit, qui intègre bien ce qu’il lui passe, car c’est un peu sa façon de survivre, de faire vivre ce à quoi il croit.

Celui qui enseigne se projette et se reconnaît dans le disciple bien formé.
Son rêve se réalise: avoir formé de futurs formateurs possibles. Car cet héritage, ce don d’une culture, de savoir faire, l’héritier, le nouveau détenteur ne pourra faire autrement que de les transmettre à son tour à ses enfants, à son entourage par le témoignage même de sa vie de tous les jours.

Transmettre et recevoir à son insu.
Il est impossible de ne pas transmettre. On transmet malgré soi. On est toujours « contagieux », « magnétique » (voir « les bons aimants »).
On laisse toujours échapper des bribes de soi, transparaître le tissu de son moi.
Ce qu’on a reçu des autres, le bon comme le mauvais, tout cet héritage a peu à peu tissé la trame (sa solidité) et l’interface (l’originalité, le charme social) de notre personnalité.

Il est encore plus difficile d’échapper à la transmission, à cette [bonne] « maladie » de la culture, aux virus des envies et des besoins de « savoir aussi », de « savoir faire comme ».

Il est possible, mais très difficile d’échapper à la prégnance d’une culture, d’une éducation dirigiste, programmée avec des intentions, des arrière-pensées.

Il faut savoir flairer, s’indigner, dénoncer :

C’est alors une formation au second degré, un nouvel apprentissage quand on est déjà formé et cultivé. C’est un luxe: la formation à la liberté de pensée, au libre arbitre.
On a reçu de ses propres formateurs les outils de la clairvoyance de l’esprit et du cœur.
il faut alors quand on est l’heureux héritier d’un si précieux bagage savoir à son tour le promouvoir, le défendre s’il est contesté, menacé.

S’indigner ne suffit pas comme le précise fort bien Stéphane Hessel
Il faut aussi, si nécessaire savoir se faire le soldat de ces causes qui sont universellement reconnues.
Il faut savoir se faire guerrier quand la séduction, la démonstration, l’exemplarité  empêchées ne suffisent pas, quand les bons aimants sont démagnétisés, débranchés, confisqués par des aimants nocifs aux ondes corruptrices.

Le passeur sait être inégalitaire: La même transmission pour tous et c’est la certitude d’une inégalité accrue.
Tous entreront en sixième, tout le monde peut tenter de sauter 1m50 : les mêmes « barres » pour tous et toutes. « Allez! allez! et que ça saute! » Et on appelle cela de la non discrimination, on prétend ainsi donner une chance à tous !…
Le même « traitement » pour tous installe très vite la mésestime de soi et l’échec, fait de résignations et de renoncements.
L’échec est un juge sans pitié qui condamne souvent à perpétuité :
Leur vie durant, les petits échaudés de l’échec sont devenus comme allergiques aux apprentissages.

C’est dans les tout débuts de la vie que ce « passage » – comme la croissance – est le plus intense.
Ce n’est plus une transmission délibérée, intentionnelle : c’est une véritable osmose. Le bébé et le tout petit sont malgré eux dans un bain culturel, et les parents et l’entourage immédiat ne peuvent souvent guère changer les « sels » du bain culturel dans lequel ils plongent leur enfant.
Le bébé, le tout petit « boivent » par tous leurs pores les styles des vies qui les entourent en permanence, qui les baignent et les pénètrent de toutes part.

On peut dire qu’il y a comme une « mémoire de l’eau » de ces bains culturels.
On n’échappe pas à ce qui vous imprègne de toutes parts.
Côté passeur, on ne peut retenir ces « injections » permanentes, cette pression forte et douce à la fois qui émane de soi, qui baigne de toutes parts et qui imprègne et pénètre.

On a donc une énorme responsabilité quand on est parent, formateur, responsable de tout jeunes enfants.

La responsabilité est encore plus grande quand on est responsable social, politique, qu’on détient un pouvoir de choix et de transmission ou de rétention de la « culture ».

Le laisser faire est criminel. Il prépare les futures inadaptations, les futures dépendances et dominations.

Car les puissants, les « riches » savent. Ils connaissent ces « lois » des bons passages.
Ils savent l’importance du « climat » dans lequel se fait la relation formatrice.

Les pauvres, les miséreux sont comme des animaux.
Ils sont obligés de vivre dans un état de vigilance permanente, de parer à chaque instant au plus pressé. Ils sont en état d’insécurité affective, le corps aux aguets, l’esprit préoccupé par d’incessantes inquiétudes qui harcèlent et tourmentent : ces mille petites choses de l’instant d’après, du lendemain pour eux imprévisible : le gîte, la nourriture, le travail, le plaisir, aimer, être aimé…, tous ces ingrédients d’une vie acceptable.
La culture est un magnétisme, et cette énergie, ce « courant » ne passent pas dans des atmosphères polluées par l’insécurité et les urgences.

L’école pourrait être un lieu de quiétude, une plage tranquille dans le temps mauvais.
Mais le « climat » s’est si considérablement dégradé en quelques décennies que l’école elle-même, l’atelier, l’entreprise…, ont été envahis par les tensions et les soucis du dehors.
À l’école aussi, il y a maintenant des dangers, des insécurités, des angoisses. Il faut être fort pour capter les messages, mais aussi pour les envoyer : Combien de ces professeurs, de ces passeurs se désespèrent de constater leur inefficience de maintenant avec des élèves pour qui il faudrait de longues plages tranquilles pour apprendre à s’intéresser à ce que montre le doigt qui sait, plutôt qu’au doigt lui-même, aux idées plutôt qu’aux incidents, aux permanences plutôt qu’aux aléas.
Le libéralisme si mal nommé, qui n’a de liberté que celle de la jungle où règne le plus fort, génère ces climats pourris de tensions et de violences. Les passeurs à la mode n’ont plus à passer – à leurs comparses – que des trucs, des astuces, des combines pour mieux manger l’autre et ne pas être mangé.
Pauvres enseignants rêveurs, doux utopistes qui croient encore en ces valeurs humanistes qui les ont façonnés, quelle révolte faudrait-il en chacun et ensemble pour que nos sociétés se ressaisissent, pour que nous ne soyons pas un jour paumés, déboussolés, comme « un singe en hiver », ou bien désemparés comme ces tristes macaques transis du Nord du Japon qui grelottent dans l’impensable paradis des sources volcaniques au milieu d’une nature hostile ?

Image empruntée à http://educ.csmv.qc.ca/mgrparent/vieanimale/mam/macaque/macaque.htm


Mais peut-être notre « sagesse » – notre confort – serait-ce, à l’exemple de ces trois autres singes, de ne rien entendre, de ne rien voir, de ne rien dire de ce qui pourrait indigner ?

Cela pourrait être une allégorie du bon citoyen idéal, bien anesthésié, bien insensible, une représentation de l’autisme individuel refuge pour survivre dans une société devenue folle, une société de sourds-muets, aveugles de surcroît.

Sculpture de Hidari Jingoro au sanctuaire Tōshōgū à Nikkō (Japon)
Image empruntée à Wikipedia (http://fr.wikipedia.org/wiki/Singes_de_la_sagesse)

Toutpetits, 200ème! la fête continue!

1000 bravos, 1000 mercis à wordpress :

WordPress.com, le grand éditeur des blogueurs :
Voyez plutôt : en juin 2010, il y avait 200 millions d’articles publiés sous wordpress.com (la version gratuite de Wordpres – l’autre, payante, est wordpress.org.)

200 millions d’articles, c’est, en quantité, l’équivalent d’1 million de blogs comme toutpetits : en gros 200 000 volumes de 1000 pages, soit quelque chose comme 20 kilomètres de rayonnages d’une blogothèque papier…

On ne dira jamais assez l’immensité de l’espace de liberté qu’ouvrent ces braves petits blogs! Liberté d’expression, liberté de parole.
Je pense souvent à notre admiration, naguère, pour la liberté de parole en Angleterre, où chacun pouvait se jucher sur un tabouret en guise de tribune au milieu de la foule, et clamer ses convictions, quelles qu’elles soient, sans risquer d’être traîné au poste de police le plus proche : Seulement, voilà, il y a quelque chose de primitif, d’animal chez ces Démosthène-là, et cette tolérance n’allait pas bien loin et ne risquait guère mettre en péril la monarchie.
L’audience, le public de l’orateur sur chaise, était à portée de voix et d’oreilles. Le regard ne pouvait qu’inciter à ce rapprocher de ce « haut parleur ». Si riche, si précieuse soit sa parole, sa diffusion était confinée dans des limites sensorielles. Parfois, l’orateur, devenu aphone, songeait à copier, copier, recopier encore sa précieuse parole et à en distribuer ses représentations sur papier : L’idée de l’imprimerie serait peut-être venue ainsi à Guttenberg pris des crampes du copiste? L’intelligence et l’invention naissent souvent de la fatigue, de la paresse…
Wordpress est une tribune sans commune mesure : du haut de son clavier, l’orateur-scripteur s’adresse désormais à tous les auditeurs-lecteurs de l’immense et moderne agora d’Internet.

Sur le net, on n’entend pas tout ce qui se dit, on ne voit pas tout ce qui s’expose. Mais chacun peut – croit pouvoir – faire son choix, butiner dans l’immense menu de ce restaurant culturel.
Tout est à portée de tous, la bibliothèque a des murs  qui ne cessent de se pousser pour tout accueillir. Certes il faut une éducation du goût, apprendre à discerner le savoureux de l’insipide, l’énergétique du bourratif, le sain du toxique.
Mais je me souviens du désert qu’il me fallait, naguère, arpenter longuement pour trouver quelques rares oasis de savoir, d’informations, de poésie ou de chant, et combien chacun de nous, alors était dépendant de quelques dispensateurs attitrés et obligés de cette manne culturelle. Et cette caste n’était pas homogène en qualité, loin s’en faut, et bien des sources, déjà, étaient polluées, et comme maintenant sur la Toile, il fallait être formé à une culture du choix, être attentif, vigilant, pour de bien maigres et coûteux butins.

Désormais, il n’y a plus de monopole culturel : Chaque jour, – chaque seconde! – les blogs révèlent de vrais talents, de réelles compétences.
Le Net est plein, pour qui a quelque talent de sourcier, d’immenses nappes phréatiques qui un peu partout affleurent, révélées par des blogs oasis
, où chacun peut  (en nommant ses sources – c’est le cas de dire – ) librement et longuement étancher ses soifs de savoir, de rêve, de poésie, où chacun peut découvrir l’infinie diversité, la prodigieuse richesse des cultures autres ou d’ailleurs, où chacun peut s’assurer que l’humanité peut se révéler « suffisamment bonne », malgré ses faiblesses et ses vulnérabilités.

On ne dira jamais assez les trésors de connaissances, mais aussi de motivations exemplaires, qu’enferment nombre de ces 200 millions de pages libres et gratuites qu’a permis WordPress.com.

WordPress.com, le grand metteur en scène doublé d’un « Roger Hart » des blogueurs :
Sur la vaste scène modulable de WordPress, aux possibilités infinies de décors, chacun peut jouer ses grandes scènes ou ses modestes saynètes, ses comédies, ses drames, ses fictions comme ses « fantaisies », autant de pièces ou de piécettes, souvent personnelles, intimes, parfois de généreux documentaires didactiques, certains très savants. Chacun peut être son propre metteur en scène, son propre décorateur. Et il est permis d’emprunter – raisonnablement -, d’inviter à admirer d’autres réalisations. Tout est à portée de clic, de moustache de souris…
Toutes et tous, chacun de ces auteurs qui, sans WP, sans ce lieu et cet outil de parole écrite, serait resté anonyme , chacun apporte ainsi un peu de lui-même, parfois l’expérience de toute une vie, qu’il offre en libre partage à la vaste communauté.

1000 bravos, 1000 mercis à vous, lecteurs de toutpetits
Merci pour votre temps, votre attention portée à ce modeste blog qui n’est rien parmi la foule des contributions sur la Toile :
100 millions de blogs en 2007 (au moment du Blog Day), 50 millions en 2006 ! Et cette prolifération n’a débuté que dans les années 90!…

Merci pour votre respect de la toute petite enfance, pour votre conscience de l’importance des attentions qu’on prodigue aux tout petits et au « climat » dans lequel ils baignent.

200 articles déjà en bientôt 3 ans, des centaines de pages, un enthousiasme croissant…

Je dois beaucoup à ce blog et à la petite enfance, à laquelle il se consacre.
Jamais je n’ai tant lu – des auteurs essentiels – Ceux qui redonnent confiance, qui nous réconcilient un peu avec nous-mêmes et entre nous, qui savent et disent simplement, avec bienveillance, que la perfection n’existe pas, qu’elle est même dangereuse. Que, l’un dans l’autre, il ne faut pas énormément de bonne volonté, de chaleur et d’empathie pour être « suffisamment bon, généreux » pour assurer le devenir de nos tout petits ou de ceux qu’on nous confie.
Ma conviction, déjà grande de l’importance de la prévention, n’a cessé de se renforcer : l’école, même maternelle, est l’héritière de de la famille.

Ce blog que vous appréciez – puisque vous serez bientôt 50 000 « visiteurs » ! -, m’a beaucoup apporté, m’a transformé :
J’y ai acqui
s, confirmé plutôt, en ces trois années, mon infini respect de l’enfance, de la jeunesse, de l’humanité si diverse et si riche, la certitude de l’espoir toujours possibles.

Revoyez cet article, et celui-ci. Cet article encore si vous le voulez bien, sur l’échec scolaire, et pourquoi pas le tout premier du blog qui donnait bien le ton, le « la » de mes convictions : un « hommage au tout petit »

Enfin, 1000 encouragements à tous ces jeunes qui galèrent du collège à l’âge adulte, de 15 à 25 ans, souvent plus, entre études laborieuses et emplois dérisoires.
Quand j’avais leur âge, les études tenaient leurs promesses.
Tu travaillais correctement à l’école, en apprentissage : tu avais assez vite un emploi, un travail pas trop éloigné de tes études, de tes formations, de tes rêves. Tu pouvais assez sereinement envisager ton insertion dans la société des adultes, tu sentais que tu allais, à ta façon, être utile, qu’on avait besoin de toi. Ta vie et tes efforts passés et à venir prenaient sens.

Je voudrais dire mon admiration pour le courage des jeunes de maintenant.
Le monde des puissants
les exploite sans vergogne.
Ah! on peut vanter les vertus des familles, qui, tant bien que mal, continuent à compenser les souffrances de leurs adolescents, de leurs jeunes adultes, qui les hébergent souvent, les nourrissent, les rassurent! Et ils continuent à garder espoir, à rêver en des jours meilleurs!… Chez eux la résilience, très sollicitée, est un état quasi permanent, indispensable.

Et surtout, en ces temps de manifestations d’indignation et de révolte,  que l’on soit bien convaincu que les jeunes de nos collèges, de nos lycées, ne sont pas ces casseurs auxquels on les assimile si facilement, ces dangereux cagoulés, peut-être aussi bien connus des services de police que les hooligans qui empoisonnent certains de nos stades de foot.

Pour terminer, cette citation du grand Jaurès, que Sandisa me transmet en commentaire d’un article récent:

« Le 30 juillet 1903 , Jaurès revenait au lycée d’ Albi [son premier lycée de jeune professeur] et y prononçait son Discours de la Jeunesse :
…. Mais qu’importe que le temps nous retire notre force peu à peu, s’il l’utilise obscurément pour des œuvres vastes en qui survit quelque chose de nous ? Il y a vingt-deux ans, c’est moi qui prononçais ici le discours d’usage. Je me souviens (et peut-être quelqu’un de mes collègues d’alors s’en souvient-il aussi) que j’avais choisi comme thème : les jugements humains. Je demandais à ceux qui m’écoutaient de juger les hommes avec bienveillance, c’est-à-dire avec équité, d’être attentifs, dans les consciences les plus médiocres et les existences les plus dénuées, aux traits de lumière, aux fugitives étincelles de beauté morale par où se révèle la vocation de grandeur de la nature humaine. Je les priais d’interpréter avec indulgence le tâtonnant effort de l’humanité incertaine. …  »

Je ne résiste pas au plaisir de vous doner ce lien vers l’intégrale de ce « discours à la jeunesse » prononcé il y a 107 ans (!) devant les lycéens d’Albi :

http://fr.wikisource.org/wiki/Discours_%C3%A0_la_jeunesse

Carnets de recettes pour cuisines gouvernementales -2

Gouvernances cyniques.

Retour sur Les premiers carnets de recettes qui sont d’un cynisme inquiétant. S’ils disent vrai, s’ils sont mis en pratique dans les cuisines d’état, nous sommes alors singulièrement manipulés, infantilisés. Il y a de la brutalité et un incroyable mépris dans ces recommandations, dans ces façons de procéder. On comprend qu’il y ait parfois des incendies dans les arrière-cuisines, des chahuts dans les cantines et même des tensions au sein des brigades de marmitons : tous, malgré le soin apporté à leur recrutement, ne peuvent pas être d’un tel cynisme.

Les enfants, les jeunes, les faibles sont les premières victimes de pareils régimes

5/ S’adresser au public comme à des enfants en bas-âge
« La plupart des publicités
[…et des propos] …destinées au grand-public utilisent un discours, des arguments, des personnages, et un ton particulièrement infantilisants, souvent proche du débilitant, comme si le spectateur était un enfant en bas-age ou un handicapé mental. Plus on cherchera à tromper le spectateur, plus on adoptera un ton infantilisant. »

Le public adulte lui-même est traité comme une population enfantine. Comme si les enfants n’étaient pas très tôt capables de raison, comme s’ils étaient moins intelligents, comme s’ils ne méritaient pas d’être respectés comme les adultes qu’ils seront bientôt…

6/ Faire appel à l’émotionnel plutôt qu’à la réflexion
« Faire appel à l’émotionnel est une technique classique pour court-circuiter l’analyse rationnelle, et donc le sens critique des individus. De plus, l’utilisation du registre émotionnel permet d’ouvrir la porte d’accès à l’inconscient pour y implanter des idées, des désirs, des peurs, des pulsions, ou des comportements… »

Il y a là une intrusion, une pénétration par effraction dans le plus intime de chaque individu, un appel aux automatismes du plaisir immédiat, un court-circuit délibéré qui shunte la réflexion, un abaissement au niveau des conditionnements pavlovniens, du dressage animal : « il salive, ça marche! désormais, il fera ce qu’on voudra. »

7/ Maintenir le public dans l’ignorance et la bêtise

« …La qualité de l’éducation donnée aux classes inférieures doit être la plus pauvre, de telle sorte que le fossé de l’ignorance qui isole les classes inférieures des classes supérieures soit et demeure incompréhensible par les classes inférieures. »

Ce « fossé de l’ignorance », voilà la lézarde qui deviendra faille, fracture sociale.
On ne dira jamais assez les bienfaits d’une école généreuse, libre, indépendante de tout pouvoir, d’une école véritablement laïque, profondément altruiste; une école dont les maîtres et professeurs savent se mettre au niveau de maturité intellectuelle et affective de leurs élèves.
Alors que tant de politiques, de décideurs craignent comme la peste les instruits, les cultivés, les raisonneurs, ceux qui savent penser, contester, répliquer, opposer des arguments.
Ils rêvent d’une école qui très tôt saurait joliment cliver, soigneusement discriminer, bien repérer, qui saurait faire le tri, la sélection des vrais méritants par la fortune, les relations de leur milieu familial. Une école où de bons et dévoués experts sauraient déceler déjà chez les tout petits des germes de contestation, de rébellions futures, sauraient scanner dans les colères et trépignements de la crèche des manifestations et délits à venir. Mais Ils ont dû ravaler leur venin, après avoir tout de même bien essayé… :

« «Moi, je souhaite qu’on aille même sans doute un peu plus loin, sur la question de la détection précoce des comportements. Cela a été dans beaucoup de rapports. On dit qu’il faut le faire dès l’âge de trois ans pour être efficace», a relevé Frédéric Lefebvre.
«Je ne suis pas un spécialiste, donc je ne déterminerai pas à quel âge il faut le faire, mais quand vous détectez chez un enfant très jeune, à la garderie, qu’il a un comportement violent, c’est le servir, c’est lui être utile à lui que de mettre en place une politique de prévention tout de suite»

Cela fait tout de même penser à d’autres sélections passées, infiniment plus graves.
Certes, la pauvreté culturelle, la mise délibérée en jachère intellectuelle de pans entiers de la société de demain, ce n’est pour les malchanceux mal nés qu’une petite mort sociale, ce n’est que la mort d’autres vies possibles, des vies virtuelles, des vies rêvées par les parents pour leurs enfants.
Les tout puissants, les décideurs savent très bien que ces mieux-être, ces mieux-vivre sont possibles, accessibles à la quasi totalité des futurs adultes, à condition de daigner vouloir croire en l’égalité des chances de la toute petite enfance au prix dérisoire d’un peu de générosité et de respect.
Mais on ne veut pas de cette foule qui serait en droit – et en pouvoir – de partager l’immense et indécente fortune patrimoniale que se répartissent quelques privilégiés qui eux ont su soigner leurs jeunes pousses et soigneusement désherber aux abords de leur pré carré.
La fracture sociale n’est d’abord qu’une fêlure invisible qui survient dans les premiers jours de la vie sous les coups sournois de la misère, de la misère relationnelle en particulier, de la résignation culpabilisée. Une fêlure qui sinue et grandit peu à peu et très vite devient faille, fossé difficilement franchissable.
Il y a bien des solitudes sociales, bien des privations de contacts. Mais l’isolement culturel, la privation des outils d’acculturation, d’accès à la connaissance, au savoir, voilà, j’en suis certain, une des pires violences, une des pires mutilations. Violence aggravée, si on fait mine, en bons jésuites experts en hypocrisie, de vouloir l’égalité des chances, le bonheur de tous, mais trop tard, ou sans grande conviction.