Carnets de recettes pour cuisines gouvernementales -2

Gouvernances cyniques.

Retour sur Les premiers carnets de recettes qui sont d’un cynisme inquiétant. S’ils disent vrai, s’ils sont mis en pratique dans les cuisines d’état, nous sommes alors singulièrement manipulés, infantilisés. Il y a de la brutalité et un incroyable mépris dans ces recommandations, dans ces façons de procéder. On comprend qu’il y ait parfois des incendies dans les arrière-cuisines, des chahuts dans les cantines et même des tensions au sein des brigades de marmitons : tous, malgré le soin apporté à leur recrutement, ne peuvent pas être d’un tel cynisme.

Les enfants, les jeunes, les faibles sont les premières victimes de pareils régimes

5/ S’adresser au public comme à des enfants en bas-âge
« La plupart des publicités
[…et des propos] …destinées au grand-public utilisent un discours, des arguments, des personnages, et un ton particulièrement infantilisants, souvent proche du débilitant, comme si le spectateur était un enfant en bas-age ou un handicapé mental. Plus on cherchera à tromper le spectateur, plus on adoptera un ton infantilisant. »

Le public adulte lui-même est traité comme une population enfantine. Comme si les enfants n’étaient pas très tôt capables de raison, comme s’ils étaient moins intelligents, comme s’ils ne méritaient pas d’être respectés comme les adultes qu’ils seront bientôt…

6/ Faire appel à l’émotionnel plutôt qu’à la réflexion
« Faire appel à l’émotionnel est une technique classique pour court-circuiter l’analyse rationnelle, et donc le sens critique des individus. De plus, l’utilisation du registre émotionnel permet d’ouvrir la porte d’accès à l’inconscient pour y implanter des idées, des désirs, des peurs, des pulsions, ou des comportements… »

Il y a là une intrusion, une pénétration par effraction dans le plus intime de chaque individu, un appel aux automatismes du plaisir immédiat, un court-circuit délibéré qui shunte la réflexion, un abaissement au niveau des conditionnements pavlovniens, du dressage animal : « il salive, ça marche! désormais, il fera ce qu’on voudra. »

7/ Maintenir le public dans l’ignorance et la bêtise

« …La qualité de l’éducation donnée aux classes inférieures doit être la plus pauvre, de telle sorte que le fossé de l’ignorance qui isole les classes inférieures des classes supérieures soit et demeure incompréhensible par les classes inférieures. »

Ce « fossé de l’ignorance », voilà la lézarde qui deviendra faille, fracture sociale.
On ne dira jamais assez les bienfaits d’une école généreuse, libre, indépendante de tout pouvoir, d’une école véritablement laïque, profondément altruiste; une école dont les maîtres et professeurs savent se mettre au niveau de maturité intellectuelle et affective de leurs élèves.
Alors que tant de politiques, de décideurs craignent comme la peste les instruits, les cultivés, les raisonneurs, ceux qui savent penser, contester, répliquer, opposer des arguments.
Ils rêvent d’une école qui très tôt saurait joliment cliver, soigneusement discriminer, bien repérer, qui saurait faire le tri, la sélection des vrais méritants par la fortune, les relations de leur milieu familial. Une école où de bons et dévoués experts sauraient déceler déjà chez les tout petits des germes de contestation, de rébellions futures, sauraient scanner dans les colères et trépignements de la crèche des manifestations et délits à venir. Mais Ils ont dû ravaler leur venin, après avoir tout de même bien essayé… :

« «Moi, je souhaite qu’on aille même sans doute un peu plus loin, sur la question de la détection précoce des comportements. Cela a été dans beaucoup de rapports. On dit qu’il faut le faire dès l’âge de trois ans pour être efficace», a relevé Frédéric Lefebvre.
«Je ne suis pas un spécialiste, donc je ne déterminerai pas à quel âge il faut le faire, mais quand vous détectez chez un enfant très jeune, à la garderie, qu’il a un comportement violent, c’est le servir, c’est lui être utile à lui que de mettre en place une politique de prévention tout de suite»

Cela fait tout de même penser à d’autres sélections passées, infiniment plus graves.
Certes, la pauvreté culturelle, la mise délibérée en jachère intellectuelle de pans entiers de la société de demain, ce n’est pour les malchanceux mal nés qu’une petite mort sociale, ce n’est que la mort d’autres vies possibles, des vies virtuelles, des vies rêvées par les parents pour leurs enfants.
Les tout puissants, les décideurs savent très bien que ces mieux-être, ces mieux-vivre sont possibles, accessibles à la quasi totalité des futurs adultes, à condition de daigner vouloir croire en l’égalité des chances de la toute petite enfance au prix dérisoire d’un peu de générosité et de respect.
Mais on ne veut pas de cette foule qui serait en droit – et en pouvoir – de partager l’immense et indécente fortune patrimoniale que se répartissent quelques privilégiés qui eux ont su soigner leurs jeunes pousses et soigneusement désherber aux abords de leur pré carré.
La fracture sociale n’est d’abord qu’une fêlure invisible qui survient dans les premiers jours de la vie sous les coups sournois de la misère, de la misère relationnelle en particulier, de la résignation culpabilisée. Une fêlure qui sinue et grandit peu à peu et très vite devient faille, fossé difficilement franchissable.
Il y a bien des solitudes sociales, bien des privations de contacts. Mais l’isolement culturel, la privation des outils d’acculturation, d’accès à la connaissance, au savoir, voilà, j’en suis certain, une des pires violences, une des pires mutilations. Violence aggravée, si on fait mine, en bons jésuites experts en hypocrisie, de vouloir l’égalité des chances, le bonheur de tous, mais trop tard, ou sans grande conviction.