Il n’y a pas de vie parfaitement réussie, à l’aune du seul bonheur, qui ne peut être constant.
Et heureusement sans doute.
Car ce sont les inégalités, les aspérités, les secousses du parcours de la vie qui font prendre conscience de l’acuité du bonheur des moments heureux, de la profondeur des moments de doute, de désespoir.
Quand on est sorti du « creux » d’une des vagues de la vie, on mesure le prix de l’apaisement revenu, de la quiétude retrouvée, de la maîtrise de soi reconquise, et on sourit de ses faiblesses, de ses doutes passés.
Très vite, très tôt, il faut faire prendre conscience à nos petits, à nos tout petits, des sensations d’apaisement, de bonheur retrouvé après une épreuve, une douleur, une appréhension.
Leur apprendre à savourer, à reconnaître le plaisir, le bonheur.
Il faut leur dire le plaisir, le bonheur, les sensations de bien-être, de mieux-être.
Le parler vrai ne doit pas être réservé qu’aux difficultés, à la douleur, à ce qu’on a tendance à éviter, à refouler.
Il y a des mots tout simples du bonheur et du plaisir expliqués, traduits, partagés.
Le plaisir et le bonheur sont des droits.
L’évitement des peines, douleurs, malheurs, est un devoir.
Nous sommes nés « équipés » pour savoir, pour pouvoir éprouver bien des bonheurs simples. Et aucun de ces merveilleux équipements sensoriels que sont la vue, le goût, l’odorat, le toucher (le contact, les caresses, l’exercice musculaire…) ne devrait être censuré, interdit, réprouvé. Tout devrait être appris, reconnu si éprouvé.
Certes, il y aura peu à peu une « éducation », une sublimation des plaisirs, l’apprentissage d’une hiérarchie des plaisirs, un affinement de leur gamme acceptée, tolérée, recommandée par notre culture, nos habitudes familiales, sociales.
Mais rien d’emblée ne devrait être censuré. Un corps est fait pour parler, informer, renseigner sur la couleur, la tonalité de la vie, la vraie vie vécue, éprouvée. Un corps est fait pour être écouté, le corps à soi avec sympathie, le corps des autres avec empathie.
Notre corps ne cesse de nous parler. Son langage, tous ses langages, devraient être appris peu à peu comme une première langue précieuse, indispensable. Une langue bien antérieure à la parole. Une langue pratiquée dès avant la naissance.
Respectons la parole du corps. Et d’abord celle du corps de nos tout petits.
Un corps parle toujours vrai, qu’il dise le plaisir ou la douleur, qu’il joue une partition harmonieuse ou discordante, agréable ou déplaisante pour soi ou pour l’entourage.
Soyons, nous adultes, les interprètes pour nos tout petits, de ce que leur corps leur dit, leur raconte, leur murmure, leur conseille ou leur déconseille. Racontons-leur ce que leur corps à eux, tout petits, a la gentillesse, « l’intelligence », de nous raconter à nous adultes qui sommes certes des dieux tout puissants mais qui ne saurions peut-être pas tout lire sans cette confiance d’un corps qui sait qu’il peut parler librement.
Oui, il y a une intelligence du corps, qui dès avant la naissance et tout au long de la vie sait parler à sa façon, souvent immédiate et pertinente.
Un bain linguistique corporel.
Cette merveilleuse langue du corps, des corps, nécessite un apprentissage, une familiarisation, une imprégnation, un bain linguistique, un peu comme pour une langue étrangère
Il faut que l’enfant, très tôt ressente cette communion linguistique, cette quasi identité des sensations éprouvées, (par les humains mais aussi par les animaux), de la gamme infinie des joies, satisfactions, plaisirs, jouissances, mais aussi des déplaisirs, peines, désagréments, douleurs…, que nous, adultes, éprouvons nous aussi ce qu’eux enfants non parlants ou encore mal parlants ne savent pas bien démêler, discriminer, qu’ils ne savent pas encore ou suffisamment bien « mettre en mots ».
Traduisons en mots vrais les sensations vraies que nous savons bien, que nous voyons bien, que notre tout petit éprouve, que nous reconnaissons avoir éprouvées autrefois ou à d’autres moments ou que par chance nous éprouvons en même temps que lui. C’est la moindre des tendresses pour nos tout petits à nous, c’est la moindre des générosités, des obligations pour d’autres tout petits que nous croisons.
Nous serons de bons interprètes, de bons traducteurs, nous qui avons l’expérience, le vécu, si nous n’avons personnellement ni censures, ni tabous, ni interdits remontant à notre propre éducation ( il faut alors apprendre – seul ou non – à s’en libérer), ne plus avoir de préjugés, de dégoûts devant les « propos » souvent très crus, très réalistes des corps.
On devrait toujours parler à un tout petit, toujours lui dire, lui raconter tout ce qui se passe en lui, tout ce qui sans doute va se passer en lui, comme en chacun de nous.
Surtout ne pas s’indigner, ne pas culpabiliser, car rien ni personne ne peut empêcher un corps d’exprimer, de « sortir » ce qu’il a à dire. Si on l’en dissuade, si on l’en empêche, il saura trouver d’autres « langages », d’autres voies, d’autres issues, d’autres sorties de secours – ce sont toutes les somatisations – pour tenter de clamer ce qu’il veut et doit dire pour son équilibre, pour le bien-être ou le mieux-être auxquels il a droit.
Il y a dans tout corps un écosystème qui plonge dans l’écosystème plus vaste du milieu de vie.
Les organes sensoriels, la peau en particulier, en sont l’interface, et les sensations que le corps sait générer sont ce langage primal, vital et infiniment riche et nuancé.
On ne peut faire taire un corps, comme on ne saurait faire taire un inconscient.
L’inconscient sait parler, contourner les interdits, les refoulements, par la voie royale des rêves (que sait remonter en sens inverse le psychanalyste), les propos plus frustres et moins hermétiques peut-être des actes manqués, des lapsus, des jeux de mots, des oublis…
Les somatisations du corps ce sont ses « contorsions », ses détours, ses codes – nous revoilà aux langages – pour parvenir quand même à nous dire, ce qu’il doit « sortir », « exprimer » pour s’en libérer.
Le tout petit ne comprendra pas ces mots ? Peu importe ! Il reconnaîtra la « musique », la tonalité heureuse ou désolée, compatissante – pour lui – de vos mots à vous, de ces commentaires vrais, sincères, et « affectifs », que vous faites à chaud de l’évènement que lui seul vient de vivre, de ressentir dans son corps, ou vous que vous seul(e), ou vous deux ou tous ensemble venez d’éprouver.
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