1- Jean-Claude Liaudet :Tout Dolto, en mots tout simples

Un livre précieux Aux éditions « J’ai Lu », et dans la collection « Bien-être » – c’est tout dire.

Un petit livre de poche, de grande valeur et de petit prix, généreux au possible car d’une clarté inégalée.
Comme s’il était là, tout près, en ami vrai venu chez nous, Jean-Claude Liaudet nous « explique » Françoise Dolto, et nos enfants, et leurs éventuelles difficultés.
Dolto, pourtant déjà si simple, au parler vrai, si claire dans sa vérité, dans sa sincérité, Jean-Claude Liaudet nous la rend encore plus proche, encore plus efficace.
Un livre précieux pour le « bien-être », le mieux être de l’enfant et de ses parents.
Le sous-titre est éloquent: « Pour résoudre les problèmes de l’enfance ».

Aussi courez acheter, emprunter ce livre :

Dans son avant-propos, J-C Liaudet nous dit son projet, son « pari » :
« …me faire l’intermédiaire, le traducteur, d’un savoir et d’une méthode psychanalytiques, dans un langage que j’ai voulu le plus proche possible des lecteurs, tout en cherchant à ne pas trahir la spécificité et la complexité de la pensée de Françoise Dolto ».
Et il  ajoute :
« De la sorte, je n’ai fait que suivre l’exemple de Françoise Dolto elle-même. À la fin de sa vie elle s’est personnellement consacrée à un travail de pédagogie à destination des parents et des éducateurs. Elle est intervenue à la radio, a prononcé des conférences, répondu à des interviews, rédigé de nombreux articles… »
Et pour que tout soit bien clair, il précise :
« Au long de ces pages, je n’ai pas seulement puisé dans mon expérience psychanalytique. C’est également en tant que parent, et en pensant aux questions que se posent les autres parents, que j’ai rédigé ce livre. »

Quelques extraits, butinés pour vous mettre en appétit: (les citations de Françoise Dolto par J-C Liaudet sont notées (FD), mes quelques « interventions » – comme ici – sont en « normal ».
Vous allez admirer comment des idées complexes et nuancées de Françoise Dolto nous sont dites avec nos mots de tous les jours par un Jean-Claude Liaudet qui se révèle être un très grand pédagogue d’une très grande générosité. Et cette « traduction » est si inspirée qu’elle ajoute à la pensée de Dolto sans la trahir en rien. Et surtout, il a su repérer puis « éclairer » et ainsi nous révéler, nous rendre parfaitement intelligible tout ce qui compte pour des parents dans l’œuvre immense de Dolto et en réaliser une synthèse remarquable.

Pour Dolto, « l’enfant est une personne », respectable quel que soit son choix de vie :
« Que celui-ci préfère être « bizarre », qu’il reste « fou » ou débile, de sexe incertain, peu lui importait s’il avait réussi à trouver un équilibre pour lui-même et dans les relations avec son milieu de vie : s’il « fonctionnait bien », elle n’y trouvait rien à redire, elle respectait ce choix. »
« Chaque fois, on retrouve la même confiance accordée à l’enfant pour tracer  lui-même son chemin, et la même modestie ; c’est l’enfant qui sait où il va, elle ne fait que suivre
… Souvent, elle ne comprend ce qui s’est passé que plus tard, une fois la cure terminée. »
« L’intelligence est comme une lumière, un éclairement du monde que  chacun porte en so
i. » (FD)
« Il existe une égalité fondamentale entre tous les êtres humains de tous âges
. Françoise Dolto va jusqu’à penser que les enfants sont en prise directe avec une réalité essentielle dont nous ne percevons plus que les échos déformés, qu’ils sont doués de capacités que l’adulte a perdues : une relation intime avec les forces de la nature, une capacité de communiquer en deçà des mots,  une faculté imaginaire qui les met en relation directe avec les mythes fondateurs de notre culture. D’où, peut-être, la sensibilité des enfants vis-à-vis des contes et des légendes. »

Tout est langage.

« Si l’enfant peut un jour apprendre à lire ou à écrire dans sa langue, c’est que, au-delà de toutes les langues, les hommes ont en commun ce que Françoise Dolto appelle la « fonction symbolique »… « Pour l’humain, tout « veut dire » quelque chose, tout a toujours un sens que les mots traduisent, mais que d’autres codes signifient également. »
« Tout être humain donne du sens à ce qu’il vit, à ce qu’il fait. L’enfant le plus « fou », le plus incompréhensible, n’agit pas autrement. Les gestes les plus absurdes sont un langage : ils ont toujours une signification, oubliée ou inconnue ». (Lisez l’encadré au bas de la page 24 !)
« La fonction symbolique est en dehors du temps et de l’espace »... Elle s’élabore « sur le plan psychique »… Tout évènement vécu par une personne, quand il lui a été attribué un sens, reste inscrit en lui de façon indélébile » et pour sa vie. (Voyez l’encadré p 26 !).
Plus encore :
« …la langue que nous partageons avec les générations précédentes » nous fait entrer en rapport direct avec elles, avec ce qu’elles « ont déposé dans les mots que nous utilisons. » C’est ainsi que s’établit une « communauté émotionnelle » et que se noue « la reconnaissance inter humaine, la fraternité d’espèce » (FD) sans laquelle un petit d’homme ne devient pas humain.

Nous humains, « nous existons par le langage » et « ce qui ne passe pas par le langage reste privé de sens » .

L’échange langagier pour prendre sens doit éveiller « une émotion simultanée (et donc partagée) chez l’interlocuteur de l’enfant »…. »Tant que l’enfant ne sera pas assez grand pour nouer avec lui-même un dialogue intérieur où il est à la fois lui et un autre (comme cela est bien dit!…), le rôle de l’entourage sera essentiel. »
Lisez attentivement (en haut de la p 30) les trois situations où la reconnaissance  inter humaine ne se réalise pas au travers d’un échange verbal, et tout particulièrement la troisième, celle où « ce que l’enfant exprime éveille chez l’autre une réaction qu’il ne parvient pas à comprendre, parce que cette réaction est étrangère à son monde d’enfant, parce qu’elle ne lui est pas expliquée, il le retranchera de lui-même, ne se reconnaîtra plus dans ce qu’il a pourtant ressenti, vécu.
Il deviendra étranger à lui-même. »
On pense bien sûr à Camus, à son « étranger », étranger au monde et à qui le monde paraît « étrange ». Suivez les liens en bas de la page de Wikipedia sur l’Étranger.
C’est ainsi que petit à petit se
« fabrique » la folie de quelqu’un de parfaitement normal mais à qui on n’a pas assez dit le monde et partagé avec lui pour le rassurer, pour lui faire sentir qu’on est son frère, un autre lui-même, quand on n’a pas voulu – ou pu –  cette générosité de partager les émotions de cette découverte en relation.
L’antipsychiâtrie de Laing et Cooper (dont nous reparlerons) explique que la folie est toujours la seule réponse comportementale possible, à une situation absurde, insensée, parce que sans dialogue explicatif , où un malheureux est coincé dans un systême souvent pervers et sadique de « doubles prises », sans réponse possible car toute réponse est fausse et culpabilisante. Un petit exemple : « J’exige que tu sois spontané avec moi ». C’est en fait très fréquent mais souvent sans malignité, ainsi le « Texte libre pour demain, sans faute ! ». Pas de danger en ce cas, car il y a souvent une explication donnée (« on doit tirer le journal scolaire pour le week-end, et il reste des pages blanches…)

Le parler vrai (Voyez 1) ici aussi, et 2) là encore, et même 3)  ici, et 4) encore ici…)

« On peut parler à l’enfant de tout ce qui le concerne. On peut même dire la mort de la mère, la séparation, pourvu que l’on s’adresse à l’enfant en tant que personne, en le respectant; c’est-à-dire sans violence ni perversité, ni pour décharger ce que l’on a sur le cœur : parler pour lui, pas pour soi. »
« On peut – parfois on doit – parler à un enfant (normalement, avec les mots de tous les jours). Même à un enfant qui n’a pas encore acquis le langage, un bébé de huit jours…, même à un enfant qui n’est pas encore né… Le bébé saisit le sens général de ce qu’on veut lui dire, quelle que soit la langue… il ne perçoit certes pas les mots, mais l’intention qui a présidé à leur prononciation, il perçoit « la communication inconsciente qui lui est faite » (FD)

À suivre…

PER (Programme pour l’Épanouissement et la Réussite)

Le PER, un PEi dédié à la Petite Enfance, au Tout Petit.
Revoyez d’abord le précédent billet : Je recopie ici les deux lignes des sources de mes déjà (bien trop) longues réflexions :

Cela fait déjà bien longtemps que je tourne autour de cette idée venue du PEI du génial Feuërstein.

Le PEi a un i ambigu à l’ambiguïté savamment entretenue.
Le « E » et le « i » du Programme qu’est le PEi de Feuërstein, signifient « Enrichissement instrumental ».Ils vont bien sûr, au bout du compte, dans le sens d’un accroissement de l’intelligence, de l’efficience, du rendement, mais indirectement, grâce aux outils, aux « instruments » dont il enrichit ceux qui en bénéficient. Et c’est à cet enrichissement instrumental que visait d’abord Feuërstein : Sa vocation a toujours été le dévouement à la cause de cas souvent désespérés – un peu à la manière de Bettelheim qui ne recevait dans son École Orthogénique de Chicago le plus souvent que des « cas » refusés, rejetés de partout ailleurs.
Mais on comprend que cet aspect utilitaire, cet aspect efficience, efficacité, rendement intellectuel ait pu en tenter beaucoup, et qu’on se soit ingénié à en faire un outil quelque peu élitiste, pour tout dire souvent très loin d’être gratuit, et d’empêcher de bien mettre en œuvre sa vocation essentiellement préventive.

J’ai toujours cru en la prévention, en une possible générosité préventive qui ne permet pas que surviennent des aggravations, des détériorations difficilement réversibles. Mais quand il est déjà un peu trop tard on appelle au secours des urgences curatives et on est prêt à bien des sacrifices.

Il faut bien se pénétrer de cet esprit de prévention : là se trouve la vraie générosité, là se rencontre la pédagogie authentique des passeurs de savoir faire et de mieux être.
L’argent compromet, pervertit tout dès qu’il perd sa vraie vocation d’investissement.
Françoise Dolto a toujours été une extraordinaire pédagogue, d’une générosité sans égale : ses petits analysés la « payaient » d’un menu objet, un marron par exemple, un ticket de métro périmé, peu importait, seul comptait le geste. Ce geste était symbolique et signifiait un accord, un engagement de l’enfant, un vrai investissement, bien qu’en fait gratuit : « J’accepte ton aide, j’en ai besoin, je la veux… et ce petit rien que je n’ai pas oublié d’apporter pour toi seule, il est un peu comme un objet transitionnel qui signifie que j’entre dans ton monde, dans notre monde d’échanges symbolique, car je sens bien qu’en retour je recevrai de toi infiniment plus que je ne peux te donner, sécurité relationnelle et confiance retrouvée dans l’autre. »
Et sa longue série d’émissions sur France Inter, par la suite éditée, (papier, CD, DVD), que de fureurs n’a-t-elle pas provoquées chez nombre de ses chers confères en psychanalyse ! Je crois bien que tout simplement on lui reprochait de donner des solutions, des trucs, des recettes, pas seulement pour guérir dans l’urgence l’enfant (et les parents) du cas évoqué, mais aussi pour prévenir chez bien d’autres la survenue de perturbations dans la relation, dans l’efficience, dans les attitudes. Car il y avait toute une foule de parents auditeurs qui l’écoutaient avec vénération leur dire, leur expliquer, leur démontrer, ce qui malheureusement peut arriver, et comment, souvent tout simplement, par l’écoute et la parole aimantes on peut faire que ça n’aille pas plus mal, que ça aille mieux, et même, surtout, que ça n’advienne jamais, à nos petits à nous, toute cette souffrance dont cette grande dame parle avec le gentil Jacques Pradel.
Thierry Janssen, lui, a interrompu sa carrière de chirurgien urologue, pour mieux « se reprendre », se ressaisir, se ressourcer, lui aussi a toujours voulu expliquer, démystifier, mettre à portée de tous dans une langue limpide les concepts les plus ardus, au point qu’on l’appelait « Thierry J’enseigne ».
Repensez aussi à J.-D. Nasio, à la force de sa vocation, revoyez ses seuls titres : « Enseignement de 7 concepts cruciaux de la psychanalyse » / « Introduction aux œuvres de Freud, Ferenczi, Grodeck, Klein, Winnicott, Dolto, Lacan » / « Le plaisir de lire Freud », toujours ce désir, ce besoin de transmettre, de faire passer, de partager ses enthousiasmes, en expliquant par le menu, au besoin en créant de nouveaux concepts plus clairs.

P.E.R. : Programmé pour l’Épanouissement et la Réussite.
Aussi, je voudrais que vous repreniez la série déjà fournie des articles du blog qui approchent, tentent de cerner ces notions, ces principes de base, qui font que le petit d’homme, de tout temps et en tous lieux, de la préhistoire à nos jours et sous toutes les latitudes est sans aucun doute possible programmé pour s’épanouir et réussir.

Ainsi, avec en arrière-plan ces principes du PER, sur cette base d’une programmation génétique pour l’épanouissment et la réussite, nous allons désormais nous consacrer surtout aux MER, à la réalisation, à la mise en œuvre.

Vie réussie : vie parlée, vie écoutée

Il n’y a pas de vie parfaitement réussie, à l’aune du seul bonheur, qui ne peut être constant.

Et heureusement sans doute.
Car ce sont les inégalités, les aspérités, les secousses du parcours de la vie qui font prendre conscience de l’acuité du bonheur des moments heureux, de la profondeur des moments de doute, de désespoir.

Quand on est sorti du « creux » d’une des vagues de la vie, on mesure le prix de l’apaisement revenu, de la quiétude retrouvée, de la maîtrise de soi reconquise, et on sourit de ses faiblesses, de ses doutes passés.
Très vite, très tôt, il faut faire prendre conscience à nos petits, à nos tout petits, des sensations d’apaisement, de bonheur retrouvé après une épreuve, une douleur, une appréhension.
Leur apprendre à savourer, à reconnaître le plaisir, le bonheur.
Il faut leur dire le plaisir, le bonheur, les sensations de bien-être, de mieux-être.
Le parler vrai ne doit pas être réservé qu’aux difficultés, à la douleur, à ce qu’on a tendance à éviter, à refouler.

Il y a des mots tout simples du bonheur et du plaisir expliqués, traduits, partagés.

Le plaisir et le bonheur sont des droits.
L’évitement des peines, douleurs, malheurs, est un devoir
.

Nous sommes nés « équipés » pour savoir, pour pouvoir éprouver bien des bonheurs simples. Et aucun de ces merveilleux équipements sensoriels que sont la vue, le goût, l’odorat, le toucher (le contact, les caresses, l’exercice musculaire…) ne devrait être censuré, interdit, réprouvé. Tout devrait être appris, reconnu si éprouvé.
Certes, il y aura peu à peu une « éducation », une sublimation des plaisirs, l’apprentissage d’une hiérarchie des plaisirs, un affinement de leur gamme acceptée, tolérée, recommandée par notre culture, nos habitudes familiales, sociales.

Mais rien d’emblée ne devrait être censuré. Un corps est fait pour parler, informer, renseigner sur la couleur, la tonalité de la vie, la vraie vie vécue, éprouvée. Un corps est fait pour être écouté, le corps à soi avec sympathie, le corps des autres avec empathie.


Notre corps ne cesse de nous parler. Son langage, tous ses langages, devraient être appris peu à peu comme une première langue précieuse, indispensable. Une langue bien antérieure à la parole. Une langue pratiquée dès avant la naissance.

Respectons la parole du corps. Et d’abord celle du corps de nos tout petits.

Un corps parle toujours vrai, qu’il dise le plaisir ou la douleur, qu’il joue une partition harmonieuse ou discordante, agréable ou déplaisante pour soi ou pour l’entourage.

Soyons, nous adultes, les interprètes pour nos tout petits, de ce que leur corps leur dit, leur raconte, leur murmure, leur conseille ou leur déconseille. Racontons-leur ce que leur corps à eux, tout petits, a la gentillesse, « l’intelligence », de nous raconter à nous adultes qui sommes certes des dieux tout puissants mais qui ne saurions peut-être pas tout lire sans cette confiance d’un corps qui sait qu’il peut parler librement.
Oui, il y a une intelligence du corps, qui dès avant la naissance et tout au long de la vie sait parler à sa façon, souvent immédiate et pertinente.

Un bain linguistique corporel.
Cette merveilleuse langue du corps, des corps, nécessite un apprentissage, une familiarisation, une imprégnation, un bain linguistique, un peu comme pour une langue étrangère
Il faut que l’enfant, très tôt ressente cette communion linguistique, cette quasi identité des sensations éprouvées, (par les humains mais aussi par les animaux), de la gamme infinie des joies, satisfactions, plaisirs, jouissances, mais aussi des déplaisirs, peines, désagréments, douleurs…, que nous, adultes, éprouvons nous aussi ce qu’eux enfants non parlants ou encore mal parlants ne savent pas bien démêler, discriminer, qu’ils ne savent pas encore ou suffisamment bien « mettre en mots ».

Traduisons en mots vrais les sensations vraies que nous savons bien, que nous voyons bien, que notre tout petit éprouve, que nous reconnaissons avoir éprouvées autrefois ou à d’autres moments ou que par chance nous éprouvons en même temps que lui. C’est la moindre des tendresses pour nos tout petits à nous, c’est la moindre des générosités, des obligations pour d’autres tout petits que nous croisons.
Nous serons de bons interprètes, de bons traducteurs, nous qui avons l’expérience, le vécu, si nous n’avons personnellement ni censures, ni tabous, ni interdits remontant à notre propre éducation ( il faut alors apprendre – seul ou non – à s’en libérer), ne plus avoir de préjugés, de dégoûts devant les « propos » souvent très crus, très réalistes des corps.
On devrait toujours parler à un tout petit, toujours lui dire, lui raconter tout ce qui se passe en lui, tout ce qui sans doute va se passer en lui, comme en chacun de nous.

Surtout ne pas s’indigner, ne pas culpabiliser, car rien ni personne ne peut empêcher un corps d’exprimer, de « sortir » ce qu’il a à dire. Si on l’en dissuade, si on l’en empêche, il saura trouver d’autres « langages », d’autres voies, d’autres issues, d’autres sorties de secours – ce sont toutes les somatisations – pour tenter de clamer ce qu’il veut et doit dire pour son équilibre, pour le bien-être ou le mieux-être auxquels il a droit.

Il y a dans tout corps un écosystème qui plonge dans l’écosystème plus vaste du milieu de vie.
Les organes sensoriels, la peau en particulier, en sont l’interface, et les sensations que le corps sait générer sont ce langage primal, vital et infiniment riche et nuancé.


On ne peut faire taire un corps, comme on ne saurait faire taire un inconscient.
L’inconscient sait parler, contourner les interdits, les refoulements, par la voie royale des rêves (que sait remonter en sens inverse le psychanalyste), les propos plus frustres et moins hermétiques peut-être des actes manqués, des lapsus, des jeux de mots, des oublis…
Les somatisations du corps ce sont ses « contorsions », ses détours, ses codes – nous revoilà aux langages – pour parvenir quand même à nous dire, ce qu’il doit « sortir », « exprimer » pour s’en libérer.


Le tout petit ne comprendra pas ces mots ? Peu importe ! Il reconnaîtra la « musique »
, la tonalité heureuse ou désolée, compatissante – pour lui – de vos mots à vous, de ces commentaires vrais, sincères, et « affectifs », que vous faites à chaud de l’évènement que lui seul vient de vivre, de ressentir dans son corps, ou vous que vous seul(e), ou vous deux ou tous ensemble venez d’éprouver.

Charlot et la « Danse des petits pains »

Une question posée (liste des critères de recherche ayant mené au blog « Toutpetits »)
« partition « danse des petits pains »?

Pour les curieux, voici une « source »

Notez ces remarques sur Dailymotion:

… »Musicien autodidacte, Charlie Chaplin, lorsque il a réédité The Gold Rush en 1942, a composé et enregistré lui-même une toute nouvelle partition, en collaboration avec son directeur musical Max Terr. »…
« …la date n’apparaît pas sous les vidéos et les écrits parcourus n’aident en rien. Peut être en écrivant à la cinémathèque… En fait, je pense que la version au piano doit être celle de 1925 car un pianiste accompagnait la projection des films… »

Voici la « version » Youtube, celle du film:

Enfin – et peut-être surtout – prenez le temps de revoir cette page du blog sur les marionnettes

Et aussi ces quelques (vraiment dernières) lignes:

« Vingt-cinq ans plus tard, l’une des petites-filles de Chaplin, qui venait de découvrir le film, n’arrivait pas à croire que son grand-père et Charlot était une seule et même personne. Elle fut émue aux larmes lorsqu’il débarrassa un coin de table et exécuta face à elle la danse des petits pains. » (Emprunt à Wikipedia, la formidable, la généreuse, une de nos vraies mutuelles du savoir, dont on ne dira jamais assez de bien.)

Un détestable bonheur[1]

Ça devait arriver!…
On a beau avoir été préparé, le choc est rude pour un Petit-Bout fils unique ou fille unique : Petit-Frère est arrivé ! Petite-Sœur est née !
Et on se laisse traîner à la clinique…

Maman est là, dans un lit, un peu pâle certes, mais de toute évidence pas malade pour deux sous. Au contraire, elle est  rayonnante, plus belle que jamais dans sa plus belle parure de nuit, et heureuse, heureuse de ce qu’elle contemple avec amour, cette toute petite chose entre ses bras.

Maman plus belle, plus désirable que jamais pour un Petit-Bout en plein oedipe. Et c’est Petit-Bout qui voudrait être là tout contre elle dans ce beau lit, à la place de l’intrus.
Certes Petit-Bout2 était annoncé et avec quelle solennité, quelle joie, chez Papa, Maman, et il avait été difficile à Petit-Bout de ne pas faire semblant d’être heureux.
Et puis Petit-Bout ne se rendait pas bien compte de ce que ça allait être en réalité. C’est qu’à l’évidence le petit braillard qui vient de nous arriver occupe une fichue place dans les têtes  et dans les cœurs. Et les tentatives de Petit-Bout pour tirer à lui un bout de l’attention sont vaines.
Il serait du plus mauvais goût de ne pas s’extasier, de ne pas simuler la joie, le bonheur même, de ne pas reconnaître avec empressement que oui, on a bien de la chance d’avoir une si mignonne petite sœur, un petit frère si costaud. Ah on va pouvoir en faire des parties de foot à trois avec papa !

Douleur et colère.
En attendant ces jours heureux, Petit-Bout qui sent remonter en lui des instincts animaux constate qu’il est bel et bien au second plan et qu’il va falloir batailler ferme pour maintenir son rang dans la hiérarchie de la meute.
C’est qu’en plus Petit-Bout a très mal dans son cœur.
Petit-Bout est en train de découvrir les tourments de la jalousie amoureuse quand on lui dit et redit : « Regarde comme il est beau, vois comme elle est gentille. ».
C’est exactement comme si Maman ramenait un soir à la maison, tendrement serré contre elle, un copain inconnu et qu’elle dise à Papa : «  Regarde comme il est beau, comme il est gentil, comme il est fort ! Vous allez pouvoir en faire des choses à vous deux, hein !… Ben, tu en fais une tête !»
Et la tête de Maman si Papa lui imposait une amie et l’installait là, dans la maison, pour toujours, avec rang de favorite.
Petit-Bout a maintenant le sentiment de faire partie d’un harem pour mamans, d’être quelque peu répudié. Petit-Bout ne se sent pas grand comme il devrait, il se sent vieux et supplanté.

Régression et représailles… insconscientes.
Et justement, Petit-Bout a bien envie de se faire tout petit, de redevenir le Petit-Bout d’avant l’autre, le Petit-Bout unique qui était si heureux.
Et dans l’inconscient de Petit-Bout, déjà, à son insu, des stratégies s’élaborent, si bien qu’il va falloir qu’on s’occupe à nouveau de Petit-Bout.
Et des armes, Petit-Bout n’en manque pas : Sans vraiment le vouloir, il peut faire des caprices, faire le difficile, refuser de manger, ne plus vouloir aller à l’école, avoir mal au ventre, à la tête. L’embarras du choix.
Et il lui arrive assez souvent d’utiliser sa force de frappe : pipi au lit ! A nouveau ! Lui qui était si propre ! Et même caca, parfois, vous vous rendez compte ! Alors du coup, Maman ou Mamy sont bien obligées de nettoyer, laver, doucher, bichonner et même parfumer Petit-Bout. C’est qu’un caca de Petit-Bout, ça c’est un caca, un vrai, bien gros, bien chaud, bien marron , et qui tache et qui sent. C’est autre chose que l’espèce de friandise jaune d’or qu’elles découvrent avec ravissement dans la couche de Bébé.

Joies amères, plaisirs frelatés.
Dire que le bonheur de Petit-Bout encoprétique ou énurétique est total, que son plaisir n’est pas gâté par quelques filets de déplaisir et même de mauvaise conscience, ce serait mentir. Ses petites et grandes régressions ne sont pas du tout du goût de l’entourage et l’impatience et la colère gagnent vite le clan des adultes qui trouvent que ce n’est pas vraiment le moment de se mettre à faire le bébé alors qu’il y en a un tout neuf qui suffit bien à les occuper et préoccuper.
Et il s’en ramasse des fessées et des remontrances ! Mais l’un dans l’autre, Petit-Bout n’est pas fâché de tout ce tintouin qu’il occasionne, car, c’est évident, pour le moment Petit-Bout2 n’est pas seul à exister et on ne risque
pas oublier Sa Majesté Petit-Bout1er.


[1] Pardon à Boris Cyrulnik pour cet oxymore en négatif de son « merveilleux malheur ».

Le rêve, maquilleur compatissant et gardien du sommeil

Inquiétudes… et même angoisses.
Petit-Bout n’a pas que des vilaines pensées à réprimer, il a aussi de grandes angoisses qui le taraudent et qui ne sont pas supportables.
Angoisse de castration possible de Petit-Bout garçon :
Tenez, par exemple, quand Petit-Bout-Garçon découvre que sa petite sœur, ou sa petite voisine de toilettes à la crèche ou à la maternelle, n’a pas un joli petit bout de zizi comme lui, d’abord il en est sidéré, il la plaint de tout son cœur, persuadé qu’on le lui a coupé. Mais très vite, il se demande si à lui aussi, pareil grand malheur ne pourrait advenir, d’autant plus que ce zizi, justement ne s’est pas montré étanche loin de là et qu’il lui semble bien avoir perçu – ou imaginé, il ne sait plus très bien tant la peur l’envahissait – comme des menaces de ciseaux ou de grand couteau certain matin d’inondation et d’exaspération parentale.
Angoisse de castration subie à son insu par Petit-Bout fille :
Et d’une pierre deux coups, sa petite voisine qui elle aussi le contemple avec des yeux ronds et découvre en même temps que lui l’étonnante différence des sexes, est en train de se monter la version petite fille de l’angoisse de castration, persuadée qu’elle aussi en avait un de zizi, bien joli, mais qu’on a dû le lui couper, et comble de malheur et d’angoisse, sans qu’elle s’en aperçoive, sans doute dans son sommeil, quand elle était bébé.
C’est simple comme tout : deux terribles blessures fantasmées, comme en miroir : on me l’a coupé pense douloureusement Petit-Bout-Fille, on va sûrement me le couper s’imagine avec terreur Petit-Bout-Garçon.

Pareille angoisse est tout bonnement intolérable – même à l’âge adulte – et ne peut rester longtemps sur le devant de la scène de la conscience d’un tout petit.
Heureusement le service du maintien de l’ordre intérieur dont on a déjà parlé pour les vilains sentiments va vite entrer en action et refouler vite fait ces pensées insupportables. Ces interdits de séjour vont être reconduits énergiquement à la frontière du conscient et embarqués dans les charters de l’oubli, destination inconscient et sans billet de retour
Seulement, voilà, ces vilains sentiments, ces désirs censurés, ces angoisses, tous ces complexes sont puissants et les mauvaises pensées qu’ils génèrent se débattent dans la prison de l’inconscient pis que des serpents dans le panier d’un chasseur de vipères, pour revenir à l’air libre, pour avoir droit de vie, pour s’exprimer.
Mais si on les laisse s’exprimer, raconter toutes leurs horreurs, projeter d’abominables visions, Petit-Bout va à nouveau s’angoisser et, à coup sûr, il tombera malade, malade de ses pensées et des frayeurs qu’elles provoquent.

Mais le service de répression des interdits a plus d’un tour dans son sac, et il autorise aux interdits de séjour en zone de conscience quelques sorties nocturnes, à la condition expresse que ces sorties semi-clandestines, ces permissions de nuit, soient aussi discrètes que possible et que surtout elles ne dérangent pas Petit-Bout dans son sommeil et que même si Petit-Bout pense voir dans son sommeil quelque chose ou quelqu’un, que cela surtout ne le réveille pas.
Mieux, il faut que le rêve soit une version présentable des horreurs imaginées ou des désirs inavouables, il faut que le rêve arrange le réel refoulé et le travestisse suffisamment pour qu’il ne soit pas reconnu, pour qu’il ne déclenche pas l’angoisse qui réveillerait en sursaut

– le rêve serait alors un cauchemar – mais que néanmoins il fasse autant de plaisir à Petit-Bout que s’il se laissait aller à ses désirs.
Ainsi le service de répression des interdits va réaliser des versions soft des films d’horreur dont la conscience n’a pas voulu.

Beau travail que le travail du rêve ! Chapeau, le scénariste ! Génial le metteur en scène !
Ces productions, ces rêves qui, au réveil, paraissent étonnants, bizarres, farfelus, ont révisé (re-visionné) les inquiétudes de la veille sans angoisser Petit-Bout
Ces versions cool sont si éloignées du réel qu’elles interprètent, que Petit-Bout à son réveil a souvent l’impression d’avoir vécu une sorte de petit film surréaliste sans queue ni tête auquel il ne comprend rien et qu’il oublie d’ailleurs très vite :
Ainsi, s’il s’en souvient, il va se demander par exemple pourquoi diable Tante Dany, celle qu’il n’aime guère, est venue lui rendre visite dans son rêve, et en tenue d’infirmière !…, et pourquoi – ce qui le fera bien rire – elle coupait à ras les queues des fleurs de son bouquet. Ainsi la castration si angoissante est tout de même vécue, et plusieurs fois même, mais tellement transposée et atténuée que Petit-Bout à son réveil est réconforté par ce rêve comme s’il avait eu le courage d’affronter l’épreuve tant redoutée… et comme s’il en sortait vainqueur.

Comme les contes, les rêves transposent et arrangent le réel trop dur, maquillent les figurants, changent s’il le faut les décors, les lieux et les époques.
Au sortir de ces épreuves fictives, le Moi de Petit-Bout est plus fort, comme un sportif après un entraînement, comme un jeune soldat peureux après les grandes manœuvres de nuit.

Parfois le maquillage est impossible, le rêve se fait cauchemar.
Quand les complexes ou les conflits refoulés sont trop puissants, trop noués, au point que le rêve ne peut plus être le gardien efficace du sommeil et que Petit-Bout est réveillé en sursaut par d’affreux cauchemars, quand les traumatismes passés resurgissent sans le moindre apprêt, viennent et reviennent chaque nuit, parfois même en rêveries, avec un réalisme hallucinant, alors il faut d’urgence aider efficacement Petit-Bout à la vie empoisonnée par ces tourments auxquels les remèdes habituels n’apportent pas de soulagement. Les somnifères ne font que masquer la réalité des problèmes. Pire, ils empêchent le travail de rêve : ils anesthésient scénariste, metteur en scène et maquilleur…
Une thérapie ou une analyse vont devoir remonter jusqu’à ces culpabilisations, ces terreurs, ces conflits, si bien enfouis dans l’inconscient.
C’est Freud qui a inventé la technique qui permet de résoudre ces énigmes, de remonter la filière, avant tout par le rêve, qu’il disait être « la voie royale de l’inconscient ».
Une voie royale, jonchée d’indices que les Sherlock Holmes de l’analyse savent repérer et démasquer : élémentaire mon cher Sigmund !

Chiffrement et maquillage
Le rêve est maquillé, travesti, codé, chiffré à souhait pour que le conscient n’y comprenne jamais rien
et laisse Petit-Bout dormir en paix.
Seulement, depuis quelque temps le codage fonctionne mal, l’officier du chiffre a dû se tromper de grille, de code, et le rêve, son message codé qui était censé ne contenir que des séquences acceptables, tout au plus bizarres, drôles, ce message est maintenant un film d’horreur, d’épouvante qui dresse Petit-Bout hurlant sur son lit, face à ces évadés blêmes qui ont fait le mur de la prison de l’inconscient.

Il va falloir analyser tout cela. Petit-Bout ne comprend rien. Pire, il ne supporte pas, hurle de terreur au milieu de la nuit, le soir il a peur de s’endormir. On ne peut pas le laisser ainsi se battre seul contre des terreurs que le travail de rêve ne peut plus résoudre.
Un travail d’analyse est nécessaire.
En fait c’est comme si un déchiffreur (l’analyste) avait en mains le message codé (c’est le récit que fait Petit-Bout à son analyste) intercepté et commenté par les renseignements (Petit-Bout). De déduction en déduction, à partir du scénario du rêve et des associations d’idées que cela provoque chez Petit-Bout, il lui faut, deviner, comprendre le message d’origine en clair, et par là retrouver la raison sérieuse qui a nécessité le refoulement et le codage des bulles de rêves remontant à la surface le l’inconscient.
Il faudra ensuite que Petit-Bout comprenne et revive consciemment ce conflit – souvent transposé, transféré, sur la personne de l’analyste parfois pris à parti et qui peut alors devenir le père, ou la sœur…- dans cette phase ultime, mais c’est bon signe -, pour qu’il en soit libéré et que sa vie soit désormais moins douloureuse, qu’il soit plus efficient et lui-même supportable à son entourage.

On comprend qu’il faut beaucoup de patience au déchiffreur, beaucoup de messages chiffrés (de rêves, de cauchemars rapportés, de commentaires de dessins, de modelages, de bavardages, de silences même…, pour élucider le mystère.
On comprend que l’analyste doit lui-même avoir été analysé, c’est-à-dire libéré par un autre analyste, sinon ses propres complexes fausseraient en s’y projetant ses interprétations dans l’analyse des Petit-Bout qui se confient à lui.
Freud a réussi lui-même en trois ans son auto-analyse, mais c’était lui l’inventeur de la science et de la technique qu’est à la fois la psychanalyse.