Bébé

À la manière de Sandisa, avec ses belles idées et ses mots (en italique), cette prose en vers qui reviennent à la ligne sans rime ni raison…

Nu comme un ver, Bébé est dans Maman,
Heureux, tranquille, il débute une belle vie.
Sous perfusion ombilicale, il consomme sans modération
Et grossit, grossit tant et tant
Que bientôt, il va lui falloir songer à quitter les lieux.
Comme la belette en son grenier,
Il resterait volontiers : Il est si bien,
En ce logis confortable et climatisé, correctement insonorisé.
Mais voilà ! Son heure, la première, est venue.
Comme un petit cosmonaute sur le grand départ,
Il s’est lové, tête en bas,
Et bientôt se sent pressé de toutes parts.
Des ondes puissantes
Le poussent fermement vers son destin
Par un tunnel étroit.
Comprimé, fatigué, si exténué
Qu’il faut parfois le tirer,
Il échoue tout gluant
Dans les bras de Maman
Pour crier à la frange de la liberté.

L’aveuglé, le paralysé

L’aveuglé et le paralysé.
(le flashé et le sucré… de permis.)

Les routes de France sont vraiment insécures !
Et toujours il y faut maîtriser son allure.
Car tapis ou postés au passage des autos
Sans relâche guettent des archers vidéo.

Fini le bon temps du certificat d’études :
Gendarme 1, à l’entrée du village : temps T1.
Traversée du hameau : 3 minutes 10 secondes
Au moins. Gendarme 2 : temps T2, facile, hein ?

– «Vrrr !… Bonjour ! Dites-moi, où courez-vous si vite ?
Êtes-vous donc si las, d’en finir si pressés ?
– La mer se retire et c’est sûr, les petites
Vont pleurer. – Excusez. Allez, c’est bon, filez ! »

Le radar, lui, n’a pas l’ombre d’un sentiment :
Maintenant, sans savoir ni pourquoi ni comment
Par tout temps, jour et nuit, un éclair te saisit.
Trop tard! Dûment flashé, tu es bon, tu es cuit !

La peur de la prison te retient de cogner,
De casser, d’arracher, de peindre cet œil niais,
De le coiffer comme un rapace dangereux,
D’épargner d’autres infortunés malchanceux.

Trois jolis petits flashs sans sourire aux lueurs vives :
Aveuglé, tu perds la vue… de ton cher permis
Et une paralysie administrative,
Survenue par la poste, t’engourdit à demi.

Florian, te souviens-tu? avait sa jolie fable :
Le paralytique sur le dos de l’aveugle,
La tête qui voyait, les jambes qui portaient.
Ils étaient deux. Tu as les deux infirmités !

Toi, Fangio des banlieues, si drôle sans volant,
Laisses pendre tes mains désormais sans emploi.
Et tu vois ton enfant qui pilote comme un roi,
Sa voiture à pédales, et te frôle en riant.

L’un t’agace : « pouett ! pouett ! vrroum ! vrroum ! v’là le PV ! »
L’autre mime en riant, l’infirme qui filait.
Exilé d’ta bagnole au milieu des papiers,
Ces zèles bien gênants t’empêchent de rouler.

J.A. (à suivre… en prose)